© Pierre FromentBobby Fischer vit à Pasadena

de Lars Norén

Extraits de presse

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« Il y a des pièces, ça ne s’explique pas, qui vous happent d’entrée ; Le miroir que tend le suédois Lars Norén au début de Bobby Fischer vit à Pasadena est du genre diabolique : à peine assis, hop, vous voilà de l’autre côté ; en enfer… Et quand son écriture rencontre un metteur en scène capable de plonger au texte plutôt que de faire des moulinets autour, le résultat est dévastateur. Claude Baqué, qui monte la pièce au Théâtre de l’Opprimé, a le cœur bien accroché, et ses comédiens (Geneviève Esménard, Isabelle Habiague, Alexis Nitzer, Nicolas Struve) encore plus… Dans la petite salle de l’Opprimé, les spectateurs, placés tout près des acteurs, se trouvent au cœur d’une action irrespirable. La lumière est basse, les comédiens jouent tellement justes qu’ils en deviennent irréels, on baigne dans un cauchemar très éloigné de la vulgarité d’un reality show. K.O à l’entracte, on y retourne, comme hypnotisé par les coups. Décidément maléfique, la pièce trouve le moyen, dans sa deuxième partie, d’être drôle. Vous avez dit théâtre à l’estomac ? Toute résistance est inutile. Norén est le plus fort.

René Solis – Libération – 24 mars 2002

« Lars Norén montre avec ce Bobby Fischer vit à Pasadena un sens subtil des dialogues et de la dramaturgie. Car cette pièce est une bombe. La mise en scène de Claude Baqué gère les situations avec beaucoup de finesse et un doigt d’humour salvateur dans la tension. Les comédiens sont tous remarquables, gardant toujours la retenue nécessaire, avec une mention spéciale à Nicolas Struve qui interprète avec une grande précision le personnage du fils schizophrène. »

Hugues Le Tanneur – Aden/Le Monde – 4 avril 2002

« Quand ils déboulent en tenue de soirée dans le salon de cet appartement bourgeois-intello, les quatre personnages de Bobby Fischer vit à Pasadena, pièce du Suédois Lars Norén, reviennent du théâtre. En parlent. Avec excitation. Surtout la mère. Dans sa logorrhée mondaine, on comprend vite qu’elle en fut de cette famille du théâtre. A la fin des quatre actes, les mêmes paraîtront dans une lumière d’un blanc clinique, l’image d’un univers quasi psychiatrique. Que s’est-il passé entre-temps ? Beaucoup de choses, beaucoup de dits et non-dits dans cette famille d’écorchés. Et l’on s’accroche très vite à leur histoire grâce à une mise en scène d’une rare efficacité. Grâce au jeu exemplaire des quatre comédiens. Les échecs qui affleurent de ce magma familial bousculent le spectateur. (…) Rien de sordide dans tout cela. L’humour, à défaut d’amour, n’est jamais loin. Juste un chassé-croisé entre faux-semblants et blessures indélébiles. Beau travail. »

Jean-Pierre Bourcier – La Tribune – 4 avril 2002

« De même que Jon Fosse, son voisin norvégien (mais dans un style différent !), Lars Noren est passé maître dans l’art de faire entendre ce qui ne se dit pas, ce qui ne s’avoue jamais à soi comme aux autres – blessures secrètes, douleurs cachées, désirs refoulés, rancœurs rentrées… enfermés depuis longtemps sous la double chape de la bonne conscience et du contentement de soi. Usant de la psychanalyse comme de la critique sociale, ce sont ces vérités qu’il fait remonter à la surface au fil d’une écriture qui gratte où ça fait mal, taille dans la chair. Metteur en scène, Claude Baqué a créé cette pièce en France au début du mois de mars. C’était à Mayenne. Il reprend ce spectacle pour quelques jours encore à Paris, dans un théâtre «alternatif» (et essentiel!) : le Théâtre de l’Opprimé. Il serait dommage qu’il ne soit pas représenté par la suite ailleurs. C’est qu’ici tout n’est qu’évidence, simplicité savante -du décor (un salon chic, sans chichis ) aux déplacements et au jeu des comédiens (ces «adultes qui font semblant, qui parlent et tournent en rond», comme l’affirme une réplique!). Un air de rien, ils font éclater le vernis des bonnes manières comme des bons (ou mauvais) sentiments pour conduire jusqu’au plus profond désarroi d’être. »

Didier Méreuze – La Croix – 5 avril 2002

« Bobby Fischer vit à Pasadena, en fait un titre écran, qui ne dévoile pas l’histoire ; et l’histoire on va la découvrir petit à petit, puisqu’au début on voit une famille rentrer chez elle, après avoir vu une pièce de théâtre un peu trouble. On voit un père chef d’entreprise, une mère, une fille, un fils. Des gens normaux, bourgeois, comme il faut. Et puis petit à petit on entre dans les liens intimes, les secrets. Et on découvre un père absent, caché dans les soucis de son travail, une mère étonnante d’hypocrisie, qui met en scène ses sentiments, qui a dû renoncer à sa carrière d’actrice pour être mère et femme d’un homme avec qui elle ne couche pas depuis dix-sept ans. On découvre une fille alcoolique, un fils psychotique qui à trente ans vient juste de sortir de l’hôpital. On découvre les fils qui les relient les uns avec les autres, et aussi le vide qui passe entre eux. On découvre comment on fait semblant de vivre, dans une belle maison, avec aussi une maison à la campagne, un voyage à l’étranger programmé pour Noël. On voit, on croit voir une famille, et on voit la carcasse de cette famille. Tout passe à travers les mots de Lars Norén, la tension est constante, le décor est minimaliste, les gestes, les déplacements sur scène aussi. Les comédiens arrivent à faire exister la tension du début jusqu’à la fin. Ils sont étonnants : tout dégringole en finesse, et tout semble tellement vrai. »

Monica Fontini – France Culture – 16 mars 2002