À propos des intervenants / débat du 10 mars 2012

 

Sylviane Agacinski

Philosophe, Sylviane  Agacinski  a enseigné au Lycée Carnot, à Paris, avant de devenir Directeur de Programme au Collège international de Philosophie  (1986 -1991), puis professeur agrégée à l’Ecole des hautes études en sciences sociales jusqu’en 2010.

Le passeur de temps, modernité et nostalgie, Seuil, 2000.

Politique des sexes (Points Seuil, 2009) a été traduit dans une quinzaine de langues.

Engagements, Seuil, 2005.

Métaphysique des sexes, Masculin/Féminin aux sources du christianisme, Points Seuil, 2007.

Drame des sexes, Ibsen, Strindberg, Bergman (Seuil,  2008)  étudie les formes théâtrales du conflit conjugal.

Corps en miettes (Flammarion, 2009) décrit  la réification et la marchandisation du corps humain qui,  à travers  les techniques de procréation,  sont particulièrement aliénantes pour les femmes.

A paraître en avril 2012 : Femmes entre sexe et genre, au Seuil.

 

Françoise Decant

Psychanalyste à Paris.

Membre de La fondation  Européenne pour la psychanalyse.

A publié plusieurs articles dans différentes revues de psychanalyse (Che Vuoi ?, Figures de la psychanalyse,  La Clinique Lacanienne) sur Ibsen, Kafka, Schnitzler, entre autres.

A publié en 2007, chez Eres (Arcanes), un livre intitulé L’Ecriture chez Henrik Ibsen : un savant nouage. Son hypothèse est que l’écriture, constituée comme symptôme, à entendre comme «ce que les gens ont de plus réel», pourrait bien avoir eu pour Ibsen cette fonction, de le maintenir en vie, et de lui éviter le suicide.

? Le texte intégral de son intervention

 

François Flahault

Directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique et membre du conseil de rédaction de la revue L’Homme.

Après une formation philosophique, il s’est engagé dans des recherches en sciences humaines. Il a notamment travaillé sur les contes populaires européens (La Pensée des contes, 2002), ainsi que sur les contes d’Andersen. Il a enseigné au Département de Psychanalyse de Paris VIII, à l’UFR de Sciences Cliniques de Paris VII et au Collège International de philosophie. Il anime actuellement le séminaire « Anthropologie générale et philosophie » à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS).

Jugeant excessive la confiance de la philosophie dans sa valeur universelle, il s’efforce d’exhumer les partis pris qui ont donné son caractère spécifique à la pensée occidentale. Il s’appuie également sur les connaissances scientifiques qui, aujourd’hui, renouvellent notre conception de l’homme et de la société en nous invitant à explorer le fait que l’être humain existe dans et par des écosystèmes relationnels.

 

Jean-Pierre Sarrazac

Auteur dramatique et professeur émérite de dramaturgie aux Universités de Paris 3-Sorbonne nouvelle et de Louvain-la-Neuve. A l’Université Paris 3, il a dirigé L’Institut d’Etudes théâtrales ainsi que l’Institut de recherches en Etudes théâtrales (IRET) et, au sein de l’IRET, le Groupe de recherches sur le drame moderne et contemporain (co-direction : Jean-Pierre Ryngaert). Il a obtenu pour l’ensemble de son œuvre le Prix Thalie 2008 décerné par l’Association internationale des critiques de théâtre (AICT).

Théâtres intimes, Actes Sud, 1989

Jeux de rêve et autres détours, Belval, Circé, « Penser le théâtre », 2004

Je vais au théâtre voir le monde, Paris, Gallimard jeunesse, 2008

A paraître au Seuil, coll. Poétique, en novembre 2012 : Poétique du drame moderne- 1880-2010

Dernières pièces :

Théâtre 1, L’Enfant-roi, Le Mariage des morts, Les Inséparables, La Passion du jardinier, Belval, Circé, 2007.

Ajax/retour(s) et La Boule d’or, inédites.

 

Le débat sera animé par Marie Vandenbussche – Cont

Marie Vandenbussche-Cont

Doctorante à l’Université Paris 3, Marie Vandenbussche travaille, sous la direction de Joseph Danan, à un état des lieux des théories du réel sur la scène théâtrale française contemporaine. Elle a été attachée d’enseignement et de recherche à Montpellier 3 et Poitiers, et chargée de cours à Paris Ouest. Elle est membre du groupe de recherche de Paris 3 sur la poétique du drame moderne et contemporain.

 

À propos des interventions / débat du samedi 10 mars à 2012

 

Sylviane Agacinski, à propos de La Dame de la mer

Dans sa forme passionnelle, le désir est l’expérience d’un transport hors de soi. Il se situe à l’opposé absolu de la liberté de choix, de la liberté de décision. Le drame de la Dame de la mer est là, dans le conflit entre le désir de liberté de qui aspire à être soi-même, et la liberté du désir, qui, à l’opposé, est le mouvement vertigineux de qui ne s’appartient plus. Cette liberté du désir qui tourne le sujet ailleurs, vers l’autre, vers le mystère et l’étranger, prend la forme d’une nécessité qui emporte tout. Elle a la force impersonnelle d’un instinct ou d’un destin. Le désir sexuel est source d’angoisse dans la mesure où son flot compromet la stabilité du sujet volontaire et construit.

Brand allait jusqu’au bout de sa logique, jusqu’à sa chute. Ellida cède aux lois d’une vie plus sage – comme si Ibsen faisait reculer son personnage devant la puissance de l’attrait érotique où il risque de s’abîmer.

Extrait de Drame des sexes, Ibsen, Strindberg, Bergman (Seuil,  2008)

 

Françoise Decant, à propos de La Dame de la mer

La lecture de F.Decant nous amène  à attacher nos pas au statut de l’indicible, en suivant les traces d’ Henrik Ibsen dans sa quête de cerner le réel, allant jusqu’à l’épingler du coté de l’impossible.

En effet, en décrivant un sujet divisé, perpétuellement tiraillé entre Eros et Thanatos, l’œuvre d’Ibsen n’a pas peur d’accueillir en son sein l’Etranger, l’Hôte inconnu qui nous habite, car le braver, n’est-ce pas aussi lui faire une place, même si on ne peut le nommer? C’est sans doute parce qu’il était lui-même aux prises avec cet hôte inconnu, cet Etranger, que le poète Rainer Maria Rilke fut lui aussi un fervent lecteur d’Ibsen…

Dans ce très beau texte d’une saisissante sensualité, Ibsen va nouer le sexuel au réel de la mort, et ce nœud, c’est un marin qui va s’en faire le représentant. La mer, l’une des figures de la mère empruntée au symbolisme, est cet étrange objet de fascination mortifère…

F. Decant,  février 2012

→ Le texte intégral de l’intervention


 

François Flahault : La Dame de la mer et les histoires de sirènes

Le personnage principal de la pièce d’Ibsen, la dame de la mer, présente des traits réalistes, mais aussi des traits qui la rapprochent des sirènes légendaires. En mêlant l’atmosphère du conte merveilleux au drame familial, Ibsen n’a pas fait preuve de maladresse ; il a trouvé, au contraire, le moyen de faire entendre les désirs contradictoires auxquels son héroïne est en proie. Comment se réaliser ? Dans le fini ou dans l’infini ? À l’intérieur de la société ou en dehors d’elle ? François Flahault évoquera les histoires de sirènes qu’Ibsen pouvait avoir présentes à l’esprit. Il montrera comment elles éclairent le choix final de la dame de la mer, choix surprenant tant il cadre mal avec la conception romantique et prométhéenne de l’individu qu’Ibsen avait paru revendiquer dans plusieurs de ses pièces antérieures.

 

 

Note de mise en scène

Le Soleil de minuit

On distingue d’ordinaire trois moments dans l’œuvre d’Ibsen : ce qu’on appelle ses « pièces de jeunesse » (dont quelques chefs d’œuvres encore jamais représentés en France !) ; les trois grandes pièces du milieu de sa vie (Brand, Peer Gynt et Empereur et Galiléen) ; et enfin, ce qu’on appelle « Les drames modernes », ce vaste massif de douze pièces, qu’il écrivit au rythme d’une tous les deux ans, entre 1877 et 1899. La Dame de la Mer, achevée en 1888, s’inscrit dans ce dernier ensemble, entre Rosmersholm et Hedda Gabler.

Or, les dernières pièces d’Ibsen ont en commun de finir par la mort des principaux protagonistes. Rebekka et Rosmer se jettent dans le torrent du moulin. Hedda et Løvborg se tirent une balle dans la tête. Solnesss tombe du haut de sa tour. Et tant d’autres… À ce titre, La Dame de la mer fait exception. Et la chose fait débat. On s’entend à reconnaître que c’est une pièce magnifique, mais (car il y a un mais…) dont la fin ne serait pas « convaincante ». L’auteur aurait commis une sorte de happy end, qui ne passe pas. Le plus souvent, les arguments sont extérieurs à la pièce elle-même. Cette « fin heureuse » viendrait contrarier le pessimisme d’un Ibsen prophète des désastres du siècle à venir. Ou bien, elle serait un retour à l’ordre bourgeois (la Nora de Maison de Poupée qui rentre au bercail !). Susan Sontag, en introduction à son « rewriting » de La Dame de la mer, affirme quant à elle que cette fin serait une faute dramaturgique.

Dans cette « polémique », nous prendrons le parti du texte. Et notre mise en scène se propose de faire mentir ceux qui donnent des leçons d’écriture à Ibsen, comme on donnerait des leçons de musique à Schubert. Non pas parce que ça ne se fait pas, mais parce qu’ils se trompent. Cette fin est non seulement « possible », mais « nécessaire ». Et elle engage le sens même de la pièce.

Mais de quoi s’agit-il ? D’une jeune femme, mariée avec un homme plus âgé, auquel elle se refuse depuis qu’ils ont perdu un enfant en bas âge, et qui est envahie par une étrange mélancolie, une « irrésistible nostalgie de la mer ». Elle a des visions. À tout moment apparaît devant elle, « en chair et en os », un marin avec qui elle s’est autrefois fiancée et qui a les mêmes yeux bleus que l’enfant mort.

Un homme arrive soudain, un « Étranger ». C’est lui. Il lui rappelle qu’il avait promis de revenir la chercher. À la fois effrayée et attirée par cet homme, elle demande à son mari de la protéger. L’Étranger se retire, en lui disant de se tenir prête pour le lendemain. Elle accuse alors son mari de l’avoir « achetée », et lui demande de la laisser partir avec le marin. Lorsque celui-ci revient, le mari décide de la laisser libre. Elle choisit finalement de rester et l’homme disparaît.

C’est cette fin, qui est contestée. Sur la forme comme sur le fond. Un oui à l’un, qui est un non à l’autre, et la pièce « se retourne », en effet. Mais ce « retournement » doit être entendu à son sens le plus haut. C’est un évènement. Qui annule tout ce qui l’a précédé.

Ellida était inscrite dans une histoire qui n’était pas la sienne. Son père, gardien de phare, l’avait baptisée d’un nom de bateau, sorte de « vaisseau fantôme » tiré d’une vieille saga islandaise. Plus tard, les gens de la ville l’ont appelée « La Dame de la mer », parce qu’elle se plongeait chaque jour dans l’eau, quel que soit le temps. Et les artistes rêvaient de la sculpter en femme de marin ou de la peindre nue échouée sur un rocher. Tout semblait la vouer à ce « destin de sirène ».

Or, son choix vient effacer d’un coup ce qui était écrit d’avance. Si leurs histoires se ressemblent étrangement, Ellida n’est pas la Senta du Vaisseau fantôme de Wagner, qui finit par se jeter à l’eau. Lorsque son marin revient, elle est prête, elle aussi, à faire le grand saut. Elle est bord de l’abîme. Wangel ne la retient pas. Il la laisse libre de son choix. Et la « métamorphose » a lieu.


On peut comparer ce geste, à plus d’un titre, à ce coup de génie des marins portugais, qui firent le pari, au péril de leur vie, qu’en s’abandonnant aux vents dominants, ils allaient rencontrer, au cœur de l’océan, les vents contraires, les alizés, en ce point de « retournement » que l’on a appelé la volta do mar. Ils se sont « fiancés aux vents » et ils ont découvert l’Amérique.

Le continent qu’Ellida découvre à son tour, à l’instant même où, libérée, elle décide de rester, n’est rien moins que son propre désir. Mais elle aura gagné les rivages de ce « nouveau monde » au prix d’une périlleuse traversée. Notre mis en scène sera le récit de ce voyage.

Comme toutes les grandes figures féminines d’Ibsen, Ellida est une « femme sous influence ». Mais, contrairement à la Rebekka de Rosmersholm, ou à Hedda Gabler, elle se libère. Et ce qui est encore plus singulier, c’est que la cage dont elle s’évade n’est pas celle qu’on aurait pu imaginer. Contrairement à Nora, c’est d’elle-même, qu’elle se libère. Et par la parole. C’est d’avoir eu le courage de nommer son emprise, qu’elle finira par s’en délivrer. D’où l’étrange écho que ce personnage devrait, aujourd’hui, rencontrer.

Lorsque j’ai proposé à Camille d’interpréter le personnage d’Ellida, elle m’a répondu qu’elle se sentait si proche de cette « Dame de la mer », qu’elle aurait pu aussi bien la chanter. Je me demandais alors comment donner corps, dans la mise en scène, à cette fusion du personnage avec la mer, à cette nostalgie, à cette douleur. Et il m’est apparu que le chant pouvait être ce « corps des larmes » d’Ellida, la musique étant un autre nom de la mer elle-même.

Nous avons donc convenu d’introduire ces plages de chants, qui interviennent à ces moments précis où Ellida s’évade vers sa « mer intérieure ». Le temps théâtral y est comme suspendu. Elle laisse alors venir ce qui monte en elle, ce qui fait retour comme ce qui veut naître en elle. Des moments d’invention, de pure création, voir d’improvisation qui, du cœur de la tempête, préfigurent en quelque sorte la « métamorphose » finale : la sirène devenue femme.

Claude Baqué – Novembre 2011


Camille et La Dame de la mer

 

« Je suis tombée sous le charme de La dame de la mer dès la première lecture. Comment ne pas m’identifier à cette femme si moderne qui, justement, s’applique à rompre le charme ? Qui, plutôt que de céder, telle une héroïne tragique, à un inextricable conflit intérieur, accepte de s’en libérer par le dialogue ?

En choisissant son mari plutôt qu’un ténébreux marin, elle se libère de ses propres fantasmes et ouvre la voie au véritable amour et, selon moi, à la création…

C’est à cet appel du large au sens onirique que je réponds. Jouer la dame de la mer, c’est lui donner une voix, une voix qui parle, qui dialogue, mais aussi une voix qui chante, qui s’égare d’abord pour enfin s’incarner, qui de voix intérieure se mue en célébration de l’eau et des rêves.»

Camille

 

 

 

 

 

Maxime Duhem / Parcours

Formation :

1994-2004: Conservatoire National de Musique de Lille (professeur: Gabriel Capet).

2004-2008: Conservatoire National Supérieur de Musique de Lyon (professeur Mel Cultbertson et Arnaud Boukitine).

Obtention du premier prix mention très bien à l’unanimité au tuba.

Orchestres :

Depuis 2005 : Joue avec l’Opéra de Lyon au poste de tuba solo.

2008-2010: Concerts et tournées avec l’ensemble Diagonal de Jean-Christophe Cholet (formation jazz).